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Les bonnes pratiques professionnelles sont étudiées, recensées, imitées et enseignées. Les formations de Management peuvent passer pour des successions de Lapalissades ou un agglomérat de principes de bon sens. Il apparait en effet évident que «un chef doit donner l’exemple», «il faut croire à ce que l’on dit et fait», «un bon manager respecte et écoute les autres»...

Le test de la cafetière

Le test de la cafetière

Dessin à imprimer, une cafetière expressoCette semaine, l’observation de certains petits actes de la vie banale des entreprises m’a permis de mettre en évidence un nouveau test permettant d’évaluer le niveau de maturité ou de la capacité d’autogestion d’une équipe. Il s’agit du « test de la cafetière ».

Le cadre de cette expérience que j’ai vécue peut constituer un protocole type dans la mesure où il est à la fois aisément reproductible et courant.
Il s’agit d’une équipe d’une dizaine de personnes travaillant dans le tertiaire. Cette équipe est constituée quasi exclusivement de cadres, dont deux co-responsables qui se partagent le management, une comptable et un responsable des moyens généraux du plateau. Le local est aménagé en « open space », avec un coin « cafétéria » et une micro salle de réunion. La cafétéria est constituée d’un réfrigérateur, un évier, une bouilloire, une vieille machine à café à filtre et une machine à café expresso à dosettes. La plupart des collaborateurs commencent leur journée de travail par un café et font une à deux « pauses café » dans la journée. Cette configuration est donc très courante.

La mise en place du drame est quasiment achevée.

La veille du jour J, l’un des collaborateurs décide de consacrer 15 minutes au détartrage de la cafetière expresso, qui le demandait depuis un temps certain.
Le matin du jour J, la première personne arrivée se fait son petit café expresso, sans se douter qu’elle est à la fois la première victime et aussi certainement la première coupable de ce crime contre la productivité.
La seconde personne arrive 3 minutes après et… se fait son expresso en choisissant « long ». Quel suspense ! Et quelle surprise ! De n’obtenir que quelques millimètres de café dans sa grande tasse. Il vide sa tasse et réitère alors la manipulation croyant avoir commis une erreur d’utilisation de la machine.

A ce stade nous pouvons l’excuser : il n’a pas encore pris son premier café ! Et là quelle surprise encore, que de n’obtenir que quelques millilitres de carburant. Plutôt que de se lancer dans une troisième tentative, il interroge sa collègue dont le bureau est à 3 mètres du percolateur « Dis, tu n’as pas eu de problème avec le café toi ? » « Ah si, maintenant que tu m’en parles, je l’ai trouvé un peu court ! ».
La suite est à la fois évidente et édifiante et plutôt que d’appeler cela le test de la cafetière j’aurais pu titrer cette expérience « comment trouver mille façons de ne pas résoudre un problème assez simple qui concerne tout le monde».
Les collègues ont donc tous défilé soit unitairement soit en petits groupes devant cette cafetière défectueuse et ont consommé au moins deux dosettes chacun avant de se résoudre à ne pas avoir de café. Certains ont accusé l’absence de détartrage, d’autres le détartrage, d’autres la rupture du contrat d’entretien, mais pas un n’a pris le temps d’ouvrir la machine pour la nettoyer, ni de la re-détartrer, ni d’avertir les arrivants suivants du problème, ni de coller un post-it « en panne » sur la machine ou plus simplement de la débrancher, ni rien d’utile en quoi que ce soit pour résoudre un problème qui ne les concernait plus.

Peut-être est-ce une nouvelle forme de partage, ou de formation par l’auto découverte comme lorsque l’on laisse un enfant se brûler légèrement pour qu’il expérimente par lui-même la douleur et la dangerosité.
Je ne sais pas si grâce à cet événement ils ont appris à se méfier d’une cafetière mais je sais qu’ils ont passé du temps sur l’incident, qu’une ration quotidienne de dosettes a été gâchée et que le sujet a alimenté un nombre important de conversations.
Il est également amusant de noter que celui qui a détartré la machine la veille n’a pas eu le courage de l’annoncer aux autres, les laissant naviguer dans des conjectures les plus insolites les unes que les autres. Je ne crois pas qu’une direction ait déjà blâmé un cadre qui a pris l’initiative de détartrer une cafetière mais dans le doute, il a peut-être préféré la prudence à la jurisprudence, et attendre que cela se tasse.
Face à la gravité du problème, en milieu d’après-midi, le responsable du site demanda à l’une des personnes d’acheter des filtres au coin de la rue pour remettre en service l’ancienne cafetière. L’équipe était sauvée par ce plan de reprise d’activité. Enfin non, pas toute l’équipe, juste ceux qui étaient présents ce jour-là. Car le lendemain matin, ceux qui n’étaient pas là la veille … ont usé chacun deux dosettes avant d’apprendre que l’on avait changé de cafetière.
Donnons rendez-vous dans quelques jours à cette équipe qui travaille ensemble en mode agile, lorsqu’il n’y aura plus de filtre, pour savoir si quelqu’un aura fait quelque chose pour la cafetière !
C’est à la fois amusant et triste, compréhensible et fou. Comment pour nos managers, inciter les collaborateurs à innover, à travailler en autonomie ensemble, à prendre des initiatives aussi bien au niveau opérationnel que stratégique lorsque dix cadres ensemble sont incapables de traiter convenablement un problème de cafetière mal détartrée ?

 

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